La force des faibles
Croire, c’est d’abord croire à la force des plus faibles. C’est l’essentiel du message évangélique. Je crois à la force du "tous ensemble", à la force des bras nus face à ceux qui ont tout: la puissance publique, l’argent, les armes.
Je crois que les plus faibles seront un jour victorieux. Et quand je dis victorieux, je ne pense pas à la prise du pouvoir par les pauvres. Je pense à cette victoire que l’on obtient quand on peut vivre réconciliés.
Croire, c’est croire à la force de transformation de l’homme. Ce n’est pas le changement social qui va changer l’homme, mais c’est l’évolution de chacun qui va changer la société. Je crois profondément à la dynamique de la conversion personnelle, intime, comme force de bousculement de l’ordre établi. Chacun est appelé à un mouvement sur soi-même pour retrouver son "je" essentiel.
C’est ce mouvement intérieur qui est prépondérant pour reconstruire une force sociale authentique qui transformera le monde en vue d’une société plus juste et fraternelle.
Ma foi chrétienne est celle qu’exprime lsaïe: "Voici le genre de culte auquel je prends plaisir: Brise les chaînes injustes, dénoue les liens de tous les jougs, mets fin à toute servitude, partage ton pain avec celui qui a faim, recueille dans ta maison le malheureux sans asile, couvre celui qui a froid et ne te détourne pas de l’homme ton frère" (Isaïe, 58, 6 ss).
Moi qui étais à la tête d’un département où tout est policé, ordre, avec des lois et des règlements, je pensais souvent à cette phrase magnifique de Jésus quand il répond aux pharisiens qui voulaient le piéger: "Ce n’est pas l’homme qui est fait pour le sabbat, c’est le sabbat qui est fait pour l’homme". A son tour, Il les piège et les interpelle sur le fond par le retournement qu’il fait des fins et des moyens.
L’ordre et les lois ne sont pas une fin, seulement un moyen. Dans ce sens, comme citoyen, comme ancien ministre de la justice et comme croyant, je médite sur ces paroles, toujours d’Isaïe, qui indique le sens de l’engagement chrétien: "Malheur à ceux qui prescrivent des lois mal faites et, quand ils rédigent, mettent par écrit la misère: ils écartent du tribunal les petites gens, privent de leur droit les pauvres de mon peuple, font des veuves leur proie et dépouillent les orphelins" (Isaïe 10, 1-2).
Ce n’est pas le changement social qui va changer l’homme. C’est l’évolution de chacun qui va changer la société.
Josef Zisyadis