Payer au juste prix son alimentation ou son natel ?

Payer au juste prix son alimentation ou son natel ?

Vente directe aux Jardins d'Ouchy

Passionné de souveraineté alimentaire, initiateur de cercles d’agriculture contractuelle dont les célèbres Jardins du Flon , le président des « Jardins d’Ouchy », le conseiller national Josef Zisyadis, a bien voulu répondre à nos questions.

Prometerre infos : Qu’est-ce qui vous pousse, vous parlementaire de gauche, plutôt voué à la défense syndicale, à vous intéresser à l’agriculture et aux agriculteurs ?

Josef Zisyadis : Je suis passionné depuis longtemps par deux questions qui me paraissent essentielles:

1. Le repositionnement de l’économie dans des structures autonomes décentralisées les unes des autres. Donc le développement de l’économie sociale et solidaire.

2. La standardisation de la nourriture et l’uniformisation du goût pour l’ensemble de la population de la planète, avec ce que cela induit comme impérialisme culturel et donc économique.

La communauté qui nous nourrit quotidiennement exige de notre part de la cohérence. Ou nous voulons un avenir préparé par les multinationales agro-alimentaires ou nous voulons une agriculture paysanne.

L’agriculture contractuelle peut-elle jouer un rôle significatif dans le développement du secteur agricole ?

Elle joue un double rôle. Un rôle de rapprochement entre ville et campagne, par la prise en charge décentralisée de processus de vente directe. Elle joue aussi un rôle économique certain par la nature des échanges entre des « consomm’acteurs » et des producteurs. La proximité et la saisonnalité intervient, mais aussi la fixation de prix justes, corrects avec une liberté de proposition du producteur. C’est tout de même un changement complet de perspective, si on y réfléchit bien. Le paysan est payé à l’avance, comme un loyer ; c’est lui qui propose le contenu du panier. Nous mettons en route économiquement un tout autre rapport avec la nourriture. Elle reprend une place centrale dans notre vie.

Il faut miser sur une augmentation de ce type d’initiative, à condition qu’elles restent à taille humaine et qu’elles permettent toujours une autogestion du processus. L’avenir dira si l’agriculture contractuelle prendra une très grande ampleur. En tout cas, les initiatives lancées cartonnent. Si j’avais le temps, j’en lancerais 10 à Lausanne…

Quelle est votre appréciation de la situation de l’agriculture en Suisse aujourd’hui ?

La mondialisation est en train de produire une prise de conscience des limites de la planète, face à l’impérialisme de la techno-science. C’est nouveau et en complète contradiction avec le vieux slogan du développement sans fin.

L’agriculture suisse est à la croisée des chemins : soit elle se bat contre sa liquidation voulue par l’OMC, soit elle redécouvre un fait essentiel : être la communauté nourricière de la Suisse demande de l’ensemble de la société la préservation de son agriculture et la reconnaissance de son statut de service public. Il faut la sortir de la marchandisation généralisée et faire appliquer le principe de souveraineté alimentaire.

Quelles perspectives voyez-vous pour l’agriculture suisse dans les prochaines années ?

La réalité aujourd’hui, c’est que l’alimentation est suffisamment bon marché et que si elle le devient encore plus, c’est pour se soumettre aux diktats des industries multinationales agro-alimentaires. Il n’y a aucune raison d’accepter le futur qu’ils nous préparent: être pauvres et obèses avec une nourriture de mauvaise qualité. Il faut simplement payer au juste prix le travail agricole. Mais pour cela, il faut que les intermédiaires cessent de s’en mettre plein les poches.

L’agriculture suisse avec ses 60.000 exploitations doit être protégée. La Suisse doit se battre pour faire émerger sur la scène internationale le concept de souveraineté alimentaire et sortir l’agriculture du processus de libéralisation. De leur côté, les producteurs doivent tout miser sur la qualité et la promotion de produits authentiques qui parlent aux consommateurs.

Quel regard portez-vous sur l’action de la défense professionnelle agricole en Suisse et dans le canton de Vaud en particulier ?

Nous avons la chance d’avoir, à côté d’un secteur de défense professionnelle «traditionnelle», un syndicalisme combatif et imaginatif lié à Via Campesina . Tout cela fait un cocktail intéressant de défense du monde paysan, notamment dans le canton de Vaud qui garde une perception forte de la campagne. Cependant, les organisations professionnelles doivent redoubler d’effort pour nouer et maintenir des contacts tous azimuts dans les années difficiles qui viennent, afin de faire comprendre que les problèmes du monde paysan sont ceux de l’ensemble de la société.


Les propos complets recueillis par J.-L. Kissling pour Prometerre Infos

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